Certains mythes ont la peau dure et ils ont de surcroît leurs adeptes exaltés.
Ainsi en est-il de l’idée que le portage salarial revient plus cher que l’auto entreprise.
Le dire paraît presque tautologique tant est prégnante l’impression que le poids des charges sociales du régime général est bien supérieur à celui des cotisations de l’auto entrepreneur.
Pourtant, à y regarder de plus près, c’est loin d’être une vérité absolue.
Je vois d’ici la moue dubitative d’auto entrepreneurs convaincus d’être dans une douillette niche fiscale. Bien sûr, l’aide de l’ACRE représente un coup de pouce au démarrage mais elle ne constitue pas une situation pérenne. Tel un miroir aux alouettes, il peut conduire l’entrepreneur à faire des mauvais choix. Je vais essayer d’en faire la démonstration en mettant en évidence quelques biais…
1er Biais : Les cotisations de l’Auto Entreprise se limitent à 22%*.
Et bien pas que… A cela s’ajoute :
- 1,7% au titre du versement libératoire de l’impôt sur le revenu,
- 0,1% au titre de la formation professionnelle (CFP),
- 0,48%** au titre de la taxe pour frais de chambre consulaire.
Finalement, l’ensemble de ces contributions s’élève à près de 24%, voire davantage.
Mais, me direz-vous 24% c’est beaucoup moins que les 51% de charges sociales des salariés.
* ou 12,8% pour les ventes, ou 6% pour la location de meublé. ** ou 0,044% pour les ressortissants de la Chambre de Commerce
2e Biais : Le chiffre d’affaires ce n’est pas le salaire brut.
Ce qui fausse la comparaison, c’est que pour l’Auto Entrepreneur, on se réfère au « Chiffre d’Affaires » alors que pour le salarié on se rapporte au « Salaire Brut ». Il est aisé de comprendre que les 2 n’ont pas grand-chose à voir.
Pour être sur la même base, il faut donc mesurer les cotisations avec le bénéfice. A ce stade, il faut surmonter une difficulté comptable : Le chiffre d’affaires n’est pas le bénéfice.
Trivialement, le bénéfice est la différence entre les ventes et les dépenses. Le bénéfice constitue en définitive la rémunération de l’entrepreneur et peut être comparé avec le salaire brut du salarié.
Dans le cas de l’auto entreprise, les choses se compliquent un peu car il s’agit d’un régime forfaitaire. Par nature, il ne prend pas en compte les dépenses réelles. C’est un point capital qui est souvent mal compris mais qui est la contrepartie de l’abandon des obligations comptables.
Dès lors, l’Administration Fiscale considère de manière arbitraire, que les charges de l’entreprise représentent 50% des ventes. Il en résulte que le bénéfice de l’auto entreprise est donc de 50% des ventes. C’est d’ailleurs ce calcul qui prévaut dans l’établissement de l’impôt sur le revenu…
Grâce au schéma ci-dessus, on s’aperçoit alors que les cotisations sociales de l’auto entrepreneur s’élèvent à près de 48% de son bénéfice. Une valeur qui est finalement assez proche des 51% des cotisations du régime général de la Sécurité Sociale.
De plus, on constate malheureusement mais sans surprise que l’Etat ne fait pas vraiment preuve de largesse à l’égard des auto entrepreneurs. D’autant que les salariés pour leur part ont droit à un vrai régime de retraite et – chose non négligeable par les temps qui courent – une protection chômage.
Bien sûr, tout cela a peu de chance d’ébranler les certitudes des plus déterminés. Bien sûr l’ivresse d’entreprendre, d’être son propre patron et de ne devoir rien à personne vaut bien plus que ces considérations arithmétiques.
3e Biais : L’auto entrepreneur n’est pas exempte de charges.
J’entends souvent dire qu’une auto entreprise n’a pas de charges. Loin de moi, l’idée d’accabler un dispositif qui a révolutionné l’esprit d’entreprise en France mais force est de constater que ce n’est pas vrai. En effet, l’auto entrepreneur doit s’acquitter de certaines dépenses, en particulier :
- la Contribution Foncière des Entreprises (CET) : entre 221€ et 1050€
- des frais bancaires (compte pro.) : entre 250€ et 450€
- l’Assurance RC Pro. : entre 200€ et 600€ env.
Pour l’auto entrepreneur ces dépenses ne sont pas déductibles, ni du calcul des charges sociales et ni de l’impôt sur le revenu. Certains sont tentés de s’y soustraire car après tout, la prise de risques est inhérente à l’esprit d’entreprise. On est quand même en droit de se demander s’il est bien raisonnable de bâtir un modèle d’affaires sur des fondations aussi précaires ?
En conclusion
Le Portage Salarial revient-il plus cher que l’Auto Entreprise? Oui bien sûr, si vous bénéficiez de l’aide de l’ACRE ou si vous échappez aux impôts et aux autres obligations… Mais dans toutes les autres situations, ce n’est pas le cas…
Vous restez sceptiques? Avec un exemple chiffré, la démonstration est plus évidente.
Imaginons 2 entrepreneurs ayant chacun 33 000 € de prestations à facturer. Le premier passe par une société de portage, disons JOBAVOUS. Le second choisit l’Auto Entreprise mais sans bénéficier de l’ACRE. Voici la décomposition de leurs charges et leur rémunération nette:
